Compost maison : fabriquer un engrais naturel gratuit en 4 étapes
Le compost maison transforme vos déchets de cuisine et de jardin en or noir pour le potager. Ce processus naturel de décomposition produit un amendement organique d’une valeur exceptionnelle : 5 à 10€ par sac de 40L en jardinerie, gratuit dans votre jardin. Un composteur bien géré produit 200 à 400 kg de compost mûr par an, de quoi fertiliser l’intégralité d’un potager familial. Ce guide expert détaille les 4 étapes clés : choix et installation du composteur, équilibre des matières, activation de la décomposition, et utilisation au jardin.
Comprendre le processus de compostage
La décomposition aérobie : des milliards de travailleurs à l’œuvre
Le compostage repose sur l’action de milliards de micro-organismes qui décomposent la matière organique en présence d’oxygène. Bactéries, champignons, actinomycètes travaillent en synergie pour transformer épluchures, feuilles mortes et tontes de gazon en humus stable et fertile. Ce processus naturel reproduit à petite échelle ce qui se produit sur le sol forestier.
La montée en température constitue le signe d’un compostage actif. Les micro-organismes dégagent de la chaleur en décomposant la matière organique. Un tas bien équilibré atteint 50 à 70°C au cœur pendant les premières semaines. Cette chaleur hygiénise le compost en détruisant les graines d’adventices et les pathogènes. Un tas qui ne chauffe pas manque de matière azotée ou d’humidité.
Le processus complet dure 6 à 12 mois selon les conditions (climat, équilibre des matières, retournements). En phase active (3-4 premiers mois), la décomposition s’effectue rapidement avec dégagement de chaleur. En phase de maturation (3-6 mois suivants), le compost se stabilise et s’enrichit en humus. Un compost mûr ne chauffe plus et dégage une odeur agréable de sous-bois.
L’équilibre carbone/azote : la clé du succès
Le ratio C/N (carbone/azote) détermine la vitesse et la qualité du compostage. Les micro-organismes ont besoin des deux éléments : le carbone pour l’énergie, l’azote pour construire leurs protéines. Un ratio optimal se situe entre 25:1 et 35:1. En pratique, cela correspond à 2/3 de matières brunes (carbonées) pour 1/3 de matières vertes (azotées).
Les matières brunes riches en carbone comprennent : feuilles mortes, paille, broyat de branches, carton non imprimé, sciure de bois non traité, papier journal. Ces matières sèches apportent la structure et l’aération. Un excès de brun ralentit la décomposition (trop peu d’azote pour nourrir les microbes).
Les matières vertes riches en azote regroupent : épluchures de légumes, tontes de gazon fraîches, marc de café, fumier frais, mauvaises herbes sans graines. Ces matières humides fournissent l’azote qui accélère la décomposition. Un excès de vert provoque pourrissement, mauvaises odeurs et attire les nuisibles.
| Matières BRUNES (carbone) | Matières VERTES (azote) | À ÉVITER |
|---|---|---|
| Feuilles mortes | Épluchures légumes/fruits | Viande, poisson, os |
| Paille, foin sec | Tontes de gazon fraîches | Produits laitiers |
| Broyat de branches | Marc de café, thé | Huiles, graisses |
| Carton brun, kraft | Mauvaises herbes (sans graines) | Litière de chat |
| Papier journal | Fumier frais | Plantes malades |
| Sciure non traitée | Restes de repas végétaux | Bois traité, vernis |
| Coquilles d’œufs | Fleurs fanées | Agrumes (en excès) |
Les quatre facteurs de réussite
L’humidité doit se maintenir entre 50 et 60% — comparable à une éponge essorée. Trop sec, le compost ne se décompose pas. Trop humide, il pourrit et sent mauvais. Surveillez et ajustez : arrosez les matières sèches à l’apport, couvrez par temps de pluie prolongée, ajoutez du brun si le tas est détrempé.
L’aération apporte l’oxygène indispensable aux micro-organismes aérobies. Un tas compact et asphyxié bascule en fermentation anaérobie (mauvaises odeurs, pourrissement). Assurez une structure aérée en mélangeant brun et vert, en évitant le tassement excessif, et en retournant régulièrement le tas.
La taille des matériaux influence la vitesse de décomposition. Des morceaux de 2-5 cm offrent un bon compromis : surface d’attaque suffisante pour les microbes, sans compactage excessif. Broyez les branches, déchirez le carton, fragmentez les grosses épluchures.
Le volume minimum efficace se situe autour de 1 m³ (1000 litres). Un tas trop petit ne génère pas assez de chaleur pour une décomposition rapide. Les petits composteurs de 300-400 L fonctionnent mais plus lentement. Privilégiez un volume d’au moins 600 L pour un compostage actif.
Choisir et installer son composteur
Composteur en bac : le choix pratique
Le composteur en plastique (bac fermé de 300 à 800 L) convient aux petits jardins urbains. Son couvercle protège de la pluie et des nuisibles. Son encombrement réduit s’intègre facilement. Inconvénients : volume limité, aération parfois insuffisante, plastique qui se dégrade au soleil. Prix : 30-80€, souvent subventionné par les collectivités.
Le composteur en bois (palettes assemblées, silos à claire-voie) offre une excellente aération naturelle et un volume généreux (1 m³ et plus). Sa construction simple et son coût quasi nul (palettes de récupération) séduisent les bricoleurs. L’absence de fond facilite la colonisation par les vers de terre. Inconvénient : protection contre la pluie à ajouter.
Le système à deux bacs optimise le processus : remplissez le premier pendant 3-4 mois, puis transférez dans le second pour maturation pendant que vous remplissez un nouveau tas dans le premier. Cette rotation assure un flux continu de compost mûr. Idéal pour les jardins productifs qui génèrent beaucoup de déchets organiques.
Le tas libre : solution zéro déchet
Le tas de compost à l’air libre constitue la méthode la plus simple et la plus ancienne. Empilez directement les matières dans un coin du jardin, à même le sol. La vie du sol colonise naturellement le tas par le dessous. Inconvénients : exposition aux intempéries, aspect peu esthétique, accès aux animaux. À réserver aux grands jardins éloignés des habitations.
Pour améliorer le tas libre, délimitez un espace de 1 m x 1 m avec quatre piquets et du grillage. Cette simple structure maintient le tas en forme et facilite les retournements. Couvrez d’une bâche perméable ou d’un carton épais pour protéger de la pluie tout en laissant respirer.
Emplacement idéal du composteur
Installez le composteur sur sol naturel (terre, herbe) pour permettre la remontée des organismes du sol (vers de terre, cloportes, coléoptères). Un composteur sur dalle béton fonctionne moins bien et nécessite un apport manuel de ces auxiliaires. Si seul le béton est disponible, déposez une couche de terre ou de compost mûr au fond comme « starter ».
Choisissez un emplacement mi-ombragé, protégé du soleil brûlant d’été (dessèchement) et des pluies battantes (engorgement). L’ombre d’un arbre caduc convient parfaitement : fraîcheur en été, ensoleillement en hiver. Évitez le plein nord trop froid qui ralentit la décomposition.
Prévoyez un accès facile pour les apports fréquents (à 20-30 m maximum de la cuisine) et pour la récupération du compost mûr (passage de brouette). Un composteur relégué au fond du jardin finit souvent négligé et mal alimenté.
Alimenter correctement son compost
Technique d’apport en couches
La méthode des apports en couches alternées garantit un bon équilibre carbone/azote. À chaque apport de matières vertes (épluchures, tontes), ajoutez une couche équivalente de matières brunes (feuilles mortes, broyat). Stockez un réservoir de brun à côté du composteur pour faciliter ces apports réguliers.
Fragmentez les matériaux pour accélérer la décomposition. Coupez les épluchures en morceaux de 2-5 cm. Broyez les branches au broyeur ou au sécateur. Déchirez le carton en morceaux. Cette fragmentation multiplie la surface d’attaque pour les micro-organismes et évite les « paquets » non décomposés.
Mélangez légèrement chaque nouvel apport avec la couche précédente à l’aide d’une fourche ou d’un aérateur de compost. Ce brassage superficiel incorpore les nouvelles matières et maintient l’aération. Évitez le tassement qui asphyxie le tas.
Les erreurs d’alimentation à éviter
Les tontes de gazon en masse constituent l’erreur classique. Déversées en couche épaisse, elles forment un bloc compact et visqueux qui pourrit au lieu de composter. Solution : étalez les tontes en fine couche, mélangez abondamment avec du brun, ou laissez sécher quelques heures avant apport.
Les gros morceaux non fragmentés (branches entières, trognons de chou, melons entiers) se décomposent très lentement et se retrouvent intacts dans le compost mûr. Solution : broyez, coupez, écrasez tout ce qui dépasse 5 cm.
Les apports massifs ponctuels (tout le contenu du jardin en automne) déséquilibrent le processus. Le tas se retrouve surchargé en un type de matière. Solution : étalez les apports dans le temps, conservez des réserves de brun pour équilibrer les gros apports de vert.
Que faire des matières « à problème »
Les agrumes (épluchures d’orange, citron) se compostent contrairement à une idée reçue. Leur acidité et leurs huiles essentielles ralentissent légèrement la décomposition mais ne la bloquent pas. Solution : limitez à 10-15% du volume total, fragmentez bien, équilibrez avec du brun.
Les restes de repas cuits (pâtes, riz, pain) attirent parfois les nuisibles (rats, souris). Solution : enfouissez-les au cœur du tas chaud, couvrez immédiatement de brun, ou réservez-les au lombricomposteur d’intérieur plus hermétique.
Les mauvaises herbes en graines risquent de contaminer votre jardin via le compost. Un tas vraiment chaud (>60°C) détruit les graines, mais ce seuil n’est pas toujours atteint. Solution : faites sécher les adventices en graines au soleil avant compostage, ou jetez-les en déchetterie.
Activer et entretenir le compostage
Le retournement : oxygéner pour accélérer
Le retournement consiste à transférer le tas d’un emplacement à un autre (ou d’un bac à l’autre), mélangeant ainsi les couches et réoxygénant la masse. Cette opération relance spectaculairement la décomposition : le tas chauffe à nouveau et la matière se transforme visiblement en quelques jours.
Retournez votre compost toutes les 4 à 6 semaines en phase active. Chaque retournement peut diviser par deux le temps de compostage. Un tas jamais retourné met 12-18 mois à mûrir ; un tas retourné régulièrement produit du compost en 4-6 mois.
Technique de retournement : à la fourche, transférez le tas en plaçant l’extérieur (moins décomposé) au centre (plus chaud) et inversement. Profitez-en pour vérifier l’humidité (ajoutez de l’eau si trop sec, du brun si trop humide) et fragmenter les matières encore grossières.
Les activateurs de compost
Le purin d’ortie constitue le meilleur activateur naturel. Riche en azote et en micro-organismes, il relance un tas qui stagne. Arrosez avec du purin dilué à 50% lors des retournements. Alternative : déposez directement des orties fraîches au cœur du tas.
La terre de jardin ou le compost mûr en petite quantité ensemencent le tas en micro-organismes actifs. Une pelletée par mois suffit. Cette technique s’avère particulièrement utile pour démarrer un nouveau composteur sur sol bétonné.
Les activateurs du commerce (poudres, granulés) apportent bactéries, champignons et nutriments. Leur efficacité réelle reste discutée : un tas bien équilibré n’en a pas besoin, un tas déséquilibré ne sera pas sauvé par ces produits. Réservez-les au dépannage ponctuel.
Diagnostiquer et résoudre les problèmes
Le tas ne chauffe pas : manque d’azote (ajoutez du vert), manque d’humidité (arrosez), volume insuffisant (attendez d’avoir plus de matière), ou compost déjà mûr. Solution : ajoutez des matières vertes fraîches, humidifiez, retournez.
Mauvaises odeurs (œuf pourri, ammoniaque) : excès d’azote ou manque d’oxygène. La fermentation anaérobie s’est installée. Solution urgente : retournez vigoureusement pour aérer, ajoutez du brun en quantité (feuilles mortes, broyat), fragmentez les zones compactes.
Moucherons et mouches : matières vertes exposées en surface qui fermentent. Solution : couvrez chaque apport d’une couche de brun, enfouissez les épluchures au cœur du tas, équilibrez davantage vers le brun.
Utiliser le compost au jardin
Reconnaître un compost mûr
Un compost mûr présente des caractéristiques reconnaissables : couleur brun foncé homogène, texture grumeleuse friable, odeur agréable de sous-bois ou de terre forestière. Les matériaux d’origine ne sont plus identifiables (à l’exception de quelques fragments ligneux). Le volume a diminué de 50 à 70% par rapport aux apports initiaux.
Le test de maturité simple : remplissez un pot de compost, semez des graines de cresson, maintenez humide. Si les graines germent normalement en 5-7 jours et que les plantules se développent sans jaunir, le compost est mûr. Un compost immature libère des composés toxiques pour les jeunes plantes.
Le compost demi-mûr (4-6 mois, encore grossier) s’utilise en paillage épais autour des plantes établies. Sa décomposition se poursuivra en surface, libérant progressivement ses nutriments. Évitez de l’enfouir ou de l’utiliser pour les semis : les matières en cours de décomposition peuvent « faim d’azote » le sol.
Dosages et applications
Pour l’amendement général du potager : épandez 3-5 kg de compost mûr par m² et incorporez superficiellement (5-10 cm) au printemps ou à l’automne. Cette dose annuelle couvre les besoins de la plupart des cultures. Les sols très pauvres bénéficient d’un doublement de dose les premières années.
Pour les plantations et repiquages : mélangez 1/3 de compost à 2/3 de terre au fond du trou de plantation. Cette dose concentrée nourrit la plante pendant ses premières semaines d’installation. Évitez le contact direct des racines avec du compost pur.
Pour le terreau de semis : mélangez 1/4 de compost mûr tamisé (passé au tamis fin) avec 3/4 de terre de jardin ou de terreau. Un compost trop concentré brûle les jeunes racines. Réservez cette utilisation au compost parfaitement mûr (>9 mois).
Compost et paillage
Le paillage au compost demi-mûr (5-10 cm d’épaisseur) combine protection du sol et fertilisation progressive. Idéal au pied des arbres fruitiers, des arbustes et des vivaces. Le compost poursuit sa maturation en surface, nourrissant le sol sans risque de surdosage.
Le thé de compost constitue un engrais liquide puissant. Plongez 1 kg de compost mûr dans 10 L d’eau pendant 24-48 h. Filtrez et utilisez en arrosage (dilué 50%) ou en pulvérisation foliaire (dilué 90%). Ce « jus » concentre les nutriments solubles et les micro-organismes bénéfiques.
Questions fréquentes sur le compost maison
Combien de temps pour obtenir du compost ?
Le temps de compostage varie de 4 à 18 mois selon la méthode. Un tas retourné régulièrement avec un bon équilibre C/N produit du compost mûr en 4-6 mois. Un composteur laissé sans intervention demande 12-18 mois.
Peut-on mettre les épluchures d’agrumes au compost ?
Oui, les agrumes se compostent contrairement aux idées reçues. Limitez-les à 10-15% du volume total, fragmentez bien les écorces, et équilibrez avec du brun. Leur décomposition est simplement plus lente que d’autres matières.
Mon compost sent mauvais, que faire ?
Les mauvaises odeurs signalent un excès d’azote ou un manque d’oxygène. Solution : retournez vigoureusement le tas, ajoutez abondamment des matières brunes (feuilles, broyat, carton), et fragmentez les zones compactes. L’odeur disparaîtra en quelques jours.
Peut-on composter en appartement ?
Oui, le lombricompostage permet de composter en appartement sans odeur. Un lombricomposteur de 30-40 L traite les déchets de cuisine d’un foyer de 2-3 personnes. Les vers de compostage transforment les épluchures en lombricompost très riche.
Faut-il arroser son compost ?
Oui, le compost doit rester humide (50-60%, comme une éponge essorée). Arrosez les matières sèches à l’apport et par temps sec. Couvrez par temps pluvieux pour éviter l’engorgement. Un compost trop sec ne se décompose pas.
Peut-on mettre du pain au compost ?
Oui, le pain se composte très bien. Émiettez-le pour accélérer la décomposition et enfouissez-le au cœur du tas pour éviter d’attirer les nuisibles. Les autres féculents (pâtes, riz) se compostent également avec les mêmes précautions.
Lancez votre compost dès ce week-end
Le compost maison représente l’investissement le plus rentable du jardinier. Quelques palettes assemblées ou un bac de récupération suffisent pour démarrer. Vos déchets de cuisine et de jardin se transformeront en or noir pour le potager, réduisant à zéro votre facture d’engrais et d’amendements.
Votre prochaine action : installez un composteur ce week-end (ou récupérez-en un auprès de votre collectivité). Stockez un sac de feuilles mortes ou de broyat à côté. Commencez les apports équilibrés. Dans 6 mois, vous récolterez votre premier compost maison, gratuit et d’une qualité incomparable.